Fossiles à vendre: trouvailles personnelles dans le Muschelkalk lorrain.
1 . Présentation
Le Muschelkalk (littéralement traduit de l’Allemand par "calcaire à coquillages" en raison du grand nombre de fossiles qu’on y trouve) est une subdivision de la période du Trias, qui elle même est la première subdivision de l'ère Mésozoïque (ou ère secondaire).
Chronologiquement, le Trias est précédé par le Permien (dernière période de l'ère Paléozoïque ou primaire à la fin de laquelle est survenue la plus grande extinction de masse ayant entrainé la disparition de 95% des espèces marines et 70% des espèces terrestres). Au Trias, succède le Jurassique puis vient le Crétacé. Ces étages sont bien connus grâce à leurs fossiles.
Le Trias a duré environ de -252 à -201 millions d'années. Il tire son nom des 3 époques qui le composent en Allemagne :
- le Buntsandstein à la base correspond aux dépôts gréseux d'un continent quasi-désertique,
- le Muschelkalk correspond aux dépôts calcaires d'une mer intérieure peu profonde,
- le Keuper au sommet correspond aux dépôts marneux d'un continent marécageux d'où la mer s'est retirée
Il est important de distinguer le Trias germanique - qui nous intéresse ici - du Trias alpin. Ce dernier, divisé également en 3 époques, correspond à un milieu franchement marin.
Le Muschelkalk correspond à l'époque du Trias moyen et est formé de 3 niveaux : le Muschelkalk inférieur, moyen et supérieur. Nous allons nous intéresser ici
particulièrement au Muschelkalk supérieur qui est daté d'environ -238,5 à -235 millions d'années. Il y a de nombreux affleurements dans notre région et c’est tout naturellement que nous proposons à la vente des fossiles récoltés par nos soins.
En ce qui concerne la stratigraphie, la base est constituée par des bancs de calcaires épais et quasiment sans marnes (calcaire à entroques) qui sont des dépôts d'eau peu profonde. Au dessus, des alternances de marnes et de bancs calcaires (calcaire à Ceratites) correspondant à des dépôts d'une mer plus profonde de quelques dizaines de mètres. C'est une description simplifiée bien sûr.
Les bancs calcaires sont le résultat de violentes tempêtes alors que les marnes se sont formées grâce à la sédimentation pendant les périodes calmes.
On estime que le niveau de la mer variait régulièrement pendant des périodes de transgression et de régression de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de milliers d'années.
La mer du Muschelkalk est une mer intérieure communiquant avec l'immense océan Téthys par seulement deux portes au sud-ouest et au sud-est. C'est pour cette raison que la faune marine y est bien différente de celle des deux océans Téthys et Panthalassa. Cette mer s'étendait sur une large partie de l'Allemagne et de l'est de la France, en particulier la Lorraine.
2 . Carrières et affleurements
Pour trouver des fossiles en Lorraine, mais également partout où le Muschelkalk supérieur affleure, on peut chercher dans les champs mais ce n'est généralement pas là que l'on trouve des fossiles de qualité. Ils sont souvent très érodés ou abimés par les machines agricoles. Il vaut mieux se concentrer sur les zones de carrières ou de grands travaux. En Lorraine plusieurs grandes carrières exploitent le calcaire du Muschelkalk supérieur, ce sont des endroits privilégiés pour trouver des fossiles de bonne qualité préservés de l'érosion et observer la stratigraphie. On peut également se tourner vers les zones de grands travaux tels que la ligne TGV EST traversant le Muschelkalk supérieur sur de grandes distances, ou les constructions de zones industrielles, de lotissements ou encore de travaux routiers.
Attention ! Il est important de toujours demander l'autorisation au propriétaire avant d'aller fouiller sur une propriété privée pour éviter des désagréments.
3 . La faune
La vie était relativement abondante dans la mer du Muschelkalk supérieur, comme le témoignent les nombreux fossiles en vente sur notre site provenant de cet étage. Bien que les fossiles trouvés soient le plus souvent des Céphalopodes (Ceratites et Nautiles), en y regardant de plus près on s'aperçoit qu'ils cohabitaient avec une faune très variée. Des reptiles marins tels que les Nothosaures ou les Tanystropheus au cou démesuré chassaient des Céphalopodes bien sûr mais également des poissons de différentes espèces. Cette faune de poissons regroupait également des Elasmobranches (requins et raies). Le Placodus, lui aussi un grand reptile, se nourrissait de la faune du fond marin, comme les abondants coquillages, grâce à ses dents broyeuses.
Parmi tous ces animaux, coexistaient des Gastéropodes, ou encore des Echinodermes variés, comme les grands champs de Crinoïdes de la base du Muschelkalk supérieur accompagnés d'ophiures (fossiles d’ophiures en vente sur notre site) et même d'étoiles de mer ainsi que quelques rares oursins. Plusieurs espèces de crustacés venaient compléter le tableau.
Source:Mc Kerrow,1981,Fig.41
Voici maintenant la description détaillée de quelques fossiles courants dans le Muschelkalk supérieur :
3 a. Les invertébrés.
Les Ammonoïdes ne sont représentés que par le genre Ceratites, dont de nombreux fossiles sont en vente sur notre site. On distingue 12 zones à Ceratites, mais seulement 10 se retrouvent en Lorraine. Les 2 zones basales (zone à Ceratites atavus / flexuosus et zone à Ceratites sequens / pulcher) ne se trouvent pas en France.
Les Ceratites représentent une population de Céphalopodes à la morphologie bien différente de celles des 2 immenses océans Téthys et Panthalassa, tout simplement car elles ont évolué séparément dans un milieu distinct. Seules les formes très basales comme Ceratites atavus présentent des similitudes avec leurs cousines car c'est à partir d'un ancêtre commun qu'elles ont évolué(Pour plus de photos , voir les Ceratites fossiles en vente sur notre site).
Un des points de reconnaissance aisé des Ceratites est la forme des lignes de suture très caractéristiques que l'on retrouve chez toutes les espèces du genre de la plus ancienne à la plus évoluée, sans changement majeur au cours de la phylogenèse.
De plus, les Ceratites sont systématiquement conservées sous forme de moule interne, la coquille n'est jamais présente et les sutures sont donc toujours visibles
Penchons-nous plus particulièrement sur quelques espèces fossiles typiques présentes en Lorraine :
- Les Ceratites evolutus doivent leur nom à leur morphe très évolute avec un ombilic très ouvert. Leur taille atteint ou dépasse légèrement la dizaine de centimètres. Elles peuvent être trouvées en quantité importante même si généralement leur conservation est de moyenne qualité.
- Les Ceratites spinosus doivent leur nom à leur forte costulation se terminant en pointe (spino = épine). La forme générale devient plus épaisse et plus grande avec un ventre plus carré. Leur taille est généralement de 10 à 15 centimètres, mais peut allez jusqu'à 20 centimètres pour les plus grands spécimens.
- Les Ceratites enodis sont une espèce à la morphologie particulière au sein du genre. Elles sont parfaitement lisses sans costulation tandis que l’espèce Ceratites posseckeri (dimorphisme sexuel) présente des tubercules latéraux et ventraux devenant des côtes en approchant de la loge d’habitation. Leur taille est plus petite que chez l'espèce précédente Ceratites spinosus, car le genre a subi une crise au cours de l'évolution. Les Ceratites enodis sont parmi les moins courantes dans le Muschelkalk supérieur car la population à largement diminué suite à la crise.
- Les Ceratites nodosus représentent l’espèce la plus connue du Muschelkalk supérieur car elle est fréquemment rencontrée mais également parce qu’elle est souvent confondue avec d’autres et que plusieurs espèces ont d’abord été décrites sous ce nom avant d’être renommées. La forme devient relativement massive et épaisse par rapport aux espèces plus anciennes avec souvent une forte costulation. Leur taille est généralement de 15 à 20 centimètres mais peut atteindre jusqu'à 30 centimètres.
- Les Ceratites (sous-genre Discoceratites) semipartitus représentent l’espèce la plus évoluée mais également le morphe le plus extrême et le plus grand. Elles présentent des flancs très larges et très plats sans costulation avec une forme générale discoïde de très faible épaisseur (d’où le nom Discoceratites). L’espèce Ceratites (Discoceratites) meissnerianus (dimorphisme sexuel) est très semblable mais présente une légère costulation sur le phragmocône. Leur taille peut atteindre voire même dépasser les 40 centimètres. Le genre s’éteint ensuite au sommet du Muschelkalk supérieur.
Ceratites enodis (10 cm)
Ceratites spinosus (12cm)
Ceratites semipartitus (30cm)
Les Nautiloïdes ne sont représentés que par le genre Germanonautilus. L'espèce prédominante et présente dans tous les niveaux est Germanonautilus bidorsatus dont la taille peut attendre voire facilement dépasser les 20 centimètres.
Deux autres espèces peuvent être découvertes mais leur présence est plus anecdotique. Il s'agit de Germanonautilus tridorsatus et de Germanonautilus suevicus (Voir nos fossiles en vente pour plus de photos). Ce dernier est caractérisé par des tubercules courant de chaque côté du ventre. Il arrive souvent de ne retrouver que des loges d'habitation isolées, mais par contre la découverte d'appareils masticateurs (les Rhyncholites) ou "becs" des Nautiles peut être plus fréquente.
Germanonautilus suevicus
Les Gastéropodes peuvent se rencontrer plus ou moins couramment selon les endroits et les niveaux. L'espèce la plus fréquente est Loxonema obsoletum dont la taille peut atteindre les 10 centimètres. La forme est relativement allongée avec un enroulement dextre.
Plus rarement, on peut trouver le genre Undularia dont la forme est proche de Loxonema mais avec un enroulement plus compact et plus de tours, ou encore le genre Neritaria, plus petit, plus large et beaucoup plus trapu(Là aussi , nombreuses photos dans nos fossiles en vente).
Les Bivalves les plus courants sont les moules Hoernesia socialis. Comme leur nom l'indique, on les trouve souvent en groupe et leur taille est d'environ 5 centimètres.
Les espèces Entolium discites et Pleuronectites laevigatus sont également assez courantes. Leur forme générale est large et très arrondie pour une taille pouvant dépasser les 10 centimètres.
Les Plagiostoma striata ont une taille plus modeste et une coquille fortement striée (d'où leur nom).
Les Myophoria, qui sont les ancêtres des Trigonies, peuvent atteindre 10 centimètres et peuvent également être trouvées en groupe, parfois de plusieurs dizaines d'individus.
Association Loxonema obsoletum et Hoenesia socialis
Coenothyris vulgaris
Les Brachiopodes sont peu représentés avec quasi-exclusivement l'espèce Coenothyris vulgaris dont les fossiles sont souvent trouvés en groupe. Beaucoup plus anecdotiques sont les Brachiopodes inarticulés du genre Lingula. D'autres espèces sont décrites (Tetractinella et Spiriferina) mais seulement dans le Muschelkalk supérieur Allemand.
Lima striata
Les Echinodermes sont bien présents également.
Les Crinoïdes Encrinus liliiformis qui peuvent atteindre la taille respectable de 1,5 mètres avec des couronnes de 10 à 15 centimètres sont les plus connus. Ils ne se trouvent que dans le calcaire à entroques qui constitue les niveaux basaux du Muschelkalk supérieur. Ces Crinoïdes vivaient fixés au fond marin en grandes colonies. La découverte d'une couronne complète reste peu commune en Lorraine. Vous trouverez néanmoins une sélection de calices dans nos fossiles en vente.
Les Ophiures sont représentées par 3 espèces : Aspiduriella scutellata se distingue par des bras courts et épais, tandis que Aplocoma agassizi et Arenorbis squamosus ont des bras plus fins et plus longs. Leur taille de l'ordre du centimètre reste modeste.
Très rare dans le Muschelkalk supérieur de Lorraine, l'étoile de mer Trichasteropsis weissmanni atteint une dizaine de centimètres et possède 5 bras relativement courts et un corps trapu.
Les Oursins réguliers du seul genre Cidaris restent extrêmement rares même si plusieurs espèces ont été décrites.
Encrinus liliiformis
Groupe d'Aspiduriella scutellata
Trichasteropsis weissmanni
Les Crustacés les plus connus sont les décapodes Pemphix sueuri dont la taille atteint les 10 centimètres. Ils peuvent se trouver dans tous les niveaux, le plus souvent en nodules. Les spécimens complets restent une belle découverte, il est plus courant de trouver seulement des céphalothorax qui sont en fait des exuvies, c'est à dire des mues.
D'autres genres sont décrits mais beaucoup plus rares. On peut citer Pseudopemphix, Lissocardia ou encore Aspidogaster.
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Pemphix sueuri
3 b. Les vertébrés
Dent de Nothosaurus
Les vertébrés se trouvent dans tous les niveaux du Muschelkalk supérieur. On peut découvrir leurs restes sous forme de nodules, mais également dans des bonebeds qui peuvent être très riches.
Les reptiles marins emblématiques du Muschelkalk supérieur sont les Nothosaurus, des reptiles chasseurs au crâne très allongé pourvu de dents longues et fines. Ils vivaient sur la terre ferme et chassaient la faune marine.
Il n'est pas rare de trouver des vertèbres, des côtes ou des dents. La découverte d'un crâne ou d'une partie de squelette reste bien sûr exceptionnelle mais pas impossible.
On distingue principalement 2 espèces : Nothosaurus mirabilis et Nothosaurus giganteus. Cette dernière pouvait atteindre la taille respectable de 3 mètres de longueur.
Un autre reptile semi-aquatique bien connu de cet étage est le Placodus gigas. Il se nourrissait de la faune du fond marin, les coquillages principalement, dont il broyait la coquille grâce à ses dents larges et plates facilement reconnaissables et qui ne peuvent être confondues avec d'autres. Sa taille atteignait les 2 mètres de longueur et son corps était plus trapu et moins fuselé que celui de Nothosaurus, car lui n'était pas un chasseur.
Plus rarement, il est possible de découvrir des restes de Tanystropheus, un reptile aquatique de 5 à 6 mètres de long, au cou démesuré avec des vertèbres cervicales très longues.
Dent de Placodus
Plusieurs espèces d'Elasmobranches (requins et raies) sont connues dans le Muschelkalk supérieur.
Les requins du genre Hybodus, dont les descendants ont vécu jusqu'au Crétacé supérieur, étaient des chasseurs aux dents fines et très pointues qui peuvent se trouver assez facilement dans les bonebeds. Les aiguillons dorsaux de ces requins peuvent atteindre une vingtaine de centimètres et sont bordés de denticules.
Les requins du genre Acrodus, au contraire étaient des broyeurs, leurs dents larges et aplaties sont souvent trouvées isolées, mais des palais plus ou moins complets ont déjà été découverts.
Les raies du genre Palaeobates sont aussi connues par leurs dents rectangulaires et plates.
Aiguillon de requin Hybodus
Dent de requin Acrodus
Dent de requin Hybodus
Les poissons représentaient eux aussi une part importante de la faune marine. Ils sont toujours conservés en nodules, et sont donc généralement complets.
On peut citer le genre Colobodus, un poisson broyeur d'une taille pouvant atteindre près de 50 centimètres et dont on retrouve parfois les palais dentaire complets.
Un autre genre, Gyrolepis pouvait lui aussi atteindre une taille similaire.
On connait également des Saurichthys (poissons carnassiers au corps très effilé), des Cœlacanthes ou encore des Dipneustes de l'espèce Ceratodus kaupii dont les palais dentaire caractéristiques restent peu fréquents.
Poisson Colobodus dans son nodule
4 : Conclusion
Contrairement à certaines idées reçues sur le Muschelkalk supérieur, nous pouvons constater que la faune marine y est très variée (voir les nombreux fossiles en vente sur notre site) même si les Ceratites restent les fossiles les plus connus et les plus fréquemment trouvés. Les espèces décrites ci-dessus constituent une liste qui est bien loin d'être exhaustive. Des Mixosauridae, des Crocodilomorphes ou bien encore des Amphibiens ont également été décrits, mais ceux-ci restent bien rares.
En ce qui concerne la détermination des fossiles du Muschelkalk supérieur, mais également de tout le Trias germanique du Buntsandstein au Keuper, la principale référence reste le livre "Die Lebewelt unserer Trias" de Martin Schmidt rédigé en Allemand et dont la première édition date de 1928. Même si un certain nombre d'espèces, en particulier de Ceratites, ont été renommées et leur nombre réduit, ce livre reste une base indispensable.
De nombreuses publications existent sur le Muschelkalk supérieur, et la quasi-totalité d'entre elles sont rédigées en Allemand.
Enfin, pour la préparation des fossiles du Muschelkalk supérieur, plusieurs méthodes sont possibles. Le stylo pneumatique reste l'outil de base indispensable, mais suivant le type de fossiles d'autres outils ou produits sont utiles. On peut citer la sableuse, principalement pour les travaux de finition, ou encore la potasse (à manipuler avec beaucoup de précautions) pour des fossiles tels que les Echinodermes (Crinoïdes, Ophiures ou Etoiles de mer). L'utilisation d’une loupe binoculaire à fort grossissement pour les travaux délicats comme l'ombilic des Ceratites ou les dents d’Hybodus est également d'une grande aide.
Voir notre article :
pour un exemple concret de préparation .